Sans surprise, plus le temps passe, plus on fait de kilomètres. Plus le temps passe, plus je me demande qui prend nos photographies. Quel échafaudage sous nos pieds favorise le choix d’un sujet et d’un cadrage plutôt qu’un autre, si ce ne sont pas eux qui nous choisissent. Dans quelle mesure les météorologues du Mont Aigoual, les employés du BTP en charge des intersections, les maçons, les hôteliers ou les chiens ne sont pas auteurs de l’Atlas au même titre que nous tant leur influence est grande. Tant ils nous placent.
Après huit ans de route, notre collection d’images dont on souhaite plus que jamais qu’elle se tienne dans le champ de l’art et ne verse pas dans la statistique, le reportage, l’expertise, l’affirmation, apparaît comme un vaste terrain d’hypothèses. Qu’il porte des Ray-Ban façon Jurassic Park ou n’ait que treize ans dans un récit de Jérémie Gindre, on se rapproche en quelque sorte du personnage de l’archéologue fourrant ses brosses dans la poussière à la recherche de formes enfouies.
Il faudrait simplement considérer qu’une voiture peut faire office de truelle, ou de pinceau. Au mieux, la lente auscultation que l’on fait du monde extérieur ne nécessiterait pas une interprétation juste mais plusieurs interprétations pertinentes. L’intérêt de l’affaire viendrait avec l’entêtement, le ressassement des mêmes découvertes, la quantité de questions qu’elles engendrent, le plaisir de la déduction qui en résulte, les façons dont on cela se partage.
L’altitude génère-t-elle du dédain ? Est-ce que changer le nom d’un bar change le bar ? Le parpaing est-il le sweat-shirt de l’architecture ? Jusqu’où peut-on pousser sa relation avec un genre de caillou ? Existe-t-il des lignes provoquant la prise de vue comme il existe des lignes de partage des eaux ? Où mènent les rails de la digue Carnot ?
Souhaitons que ce nouveau volume, dans toutes ses opacités, donne l’effet de palper quelque chose de plus clair encore qu’un terrain de moto-cross au couchant.